Des cultivateurs qui laissent 42 orphelins
» Les catastophes tuent tout le monde, les épidémies déciment les enfants et les vieillards, il n’y a que les guerres pour massacrer les jeunes gens en si grand nombre » (Pierre Lemaitre, Au Revoir Là-Haut, prix Goncourt 2013)
L’image collective du Poilu de 14-18 est celle d’un homme jeune qui combat ardemment, davantage celle d’un fils ou d’un frère que celle d’un père. Pourtant la réalité est bien plus nuancée. On pourrait prendre l’exemple de Jean-Marie Quintin, tué en 1915 à l’âge de 37 ans, père de 5 enfants ou de Jean-Marie Quelven, mort en 1916 à 41 ans, père de 4 enfants.
La guerre 14-18 laisse à Quéménéven au moins 42 orphelins et 31 jeunes veuves.
« Nos » soldats avaient 20 ans, mais parfois le double
Au cours des 4 années de conflit, deux générations d’homme ont été mobilisées, depuis ceux qui étaient nés en 1873 jusqu’à ceux qui étaient nés en 1899 voir en 1900. Tous n’ont sans doute pas été exposés aux combats de la même façon, notamment les plus vieux qui étaient plutôt affectés à des tâches logistiques.
L’image d’un poilu plutôt jeune n’est tout de même pas erronée. Près d’un tiers des soldats de Quéménéven qui ont perdu la vie ont entre 19 et 22 ans, et les deux-tiers ont moins de 31 ans.
Logiquement, les classes les plus exposées, celles qui ont été mobilisées dans les régiments d’active ou dans les régiments de réserve d’active, sont celles qui comptent le plus de morts.
Ils laissent 42 orphelins
Sur les 88 soldats inscrits au monument aux morts ou déclarés morts pour la France, 31 étaient mariés. La moitié des couples (15 sur 31) étaient mariés depuis moins de 3 ans quand a éclaté la guerre.
Pour autant qu’on puisse le savoir en parcourant les registres d’état-civil de Quéménéven, 24 couples avaient des enfants. Des couples vivant en dehors de Quéménéven (Ploaré, région parisienne) avaient peut-être aussi des enfants qui n’ont pour le moment pas été identifiés. Il s’agit donc ici des enfants nés à Quéménéven.
Treize couples avaient un seul enfant, 7 avaient 2 enfants, 2 couples avaient 3 enfants, 1 en avait 4 et un autre 5. Au total, 42 enfants ont perdu leur père pendant le conflit ou des suites du conflit, et ont été « adoptés par la Nation » en 1920.
A l’armistice, le 11 novembre 1918, seuls 6 enfants ont plus de 10 ans. 19 ont moins de 5 ans. 9 sont nés après le départ de leur père à la guerre, et ne l’ont donc pas connu.
Ce sont essentiellement des cultivateurs
Cinquante-sept des 88 poilus apparaissent comme étant cultivateurs. Le terme « cultivateur » qui apparaît dans le recensement, mais aussi sur les actes de décès, recouvre des réalités diverses. On peut déterminer que au moins quatre sont domestiques et trois journaliers. Peu nombreux sont les patrons de ferme. Il s’agit le plus souvent de leurs fils, ou d’ouvriers.
On retrouve aussi un cantonnier et cinq terrassiers, et quelques artisans : un bourrelier, un charretier, un cocher, un forgeron, un tailleur d’habit, un sabotier.
Deux des soldats sont instituteurs, l’un vient de faire sa 1ère année à Châteaulin, l’autre vient de finir son année d’instituteur-stagiaire à Briec et de prendre son congé pour faire son service militaire quand la guerre est déclarée.
Pour une dizaine de soldats, leur profession n’a pu être déterminée. Néanmoins l’impact sur la vie locale est forte, en dehors le deuil qui frappe une majorité des familles de Quéménéven, soit directement (père, fils) soit indirectement (frère, oncle, neveu). Certains épouses, se retrouvant seules avec leurs enfants, reviennent vivre près de leur famille, comme Marie-Anne Colin qui apparaît sur la photo ci-dessus. Quelques fermes se retrouvent sans patron, ou sans repreneur. Des familles doivent déménager. Les « dommages collatéraux » sont importants et difficile à quantifier.