René Marchalot (1883-1915), soldat au 2ème régiment d’infanterie coloniale

René Marchalot en 1911 avec sa fille Catherine - Coll. G. Dehem

René Marchalot en 1911 avec sa fille Catherine – Coll. G. Dehem

René Marchalot naît le 29 mars 1883 à Treuscoat vian, Cast. Il est le troisième enfant, et le premier fils de René, alors âgé de 30 ans et de Marie TANGUY, âgée de 26 ans.

Cheveux châtains, yeux gris, il est de taille supérieure à la moyenne (1,67m) et sait lire et écrire.

Bien qu’il soit « Bon pour le service » au conseil de révision de 1904, il est maintenu dans ses foyers jusqu’au 1er avril 1905 « la commune où il réside étant contaminée » – il s’agit de Cast. Il effectue ensuite son service militaire jusqu’en novembre 1906 au 6e régiment d’infanterie coloniale et reçoit un certificat de bonne conduite (matricule 2808 au recrutement de Brest-Châteaulin).

Il se marie à Cast le 15 novembre 1909 avec Marie Jeanne MAUGUEN, née elle aussi à Cast le 18 mars 1886. Ce même jour est célébré le mariage de Marie-Jeanne et de ses deux ses soeurs, Catherine et Marie-Anne.
Après leur mariage, René et sa femme emménagent dans une maisonnette à Kerho, où naît leur premier enfant, Catherine, le 23 septembre 1910. René est alors domestique à Pennarun. Un an plus tard, ils déménagent à Kerinvel. René devient domestique à Keroriou. A Kerinvel vont naître leurs deux garçons, Jean le 14 mars 1913, et Pierre le 7 décembre 1914, alors que la guerre a déjà bien commencé.

Pendant la guerre

Mobilisé le 11 août 1914, René part au front, le 5 septembre, rejoindre le 2e régiment d’infanterie colonial de Brest, laissant sa femme enceinte de 5 mois.

Il échappe à la Bataille des Frontières si meurtrière pour la 1ère division d’infanterie coloniale.

René Marchalot – coll. G. Marchalot

Le 11 septembre, René est au front quand la 1ère brigade d’infanterie coloniale commence le mouvement en avant pour poursuivre les Allemands en retraite. Du 12 au 14 septembre, le corps d’armée colonial continue sa poursuite vers le nord. La 3ème DIC se dirige vers Cernay en Dormois. Le passage de la Tourbe doit avoir lieu à Ville sur Tourbe.

Le 14 septembre, vers 10h, la tête du 2ème colonial arrive à environ 200m de Ville sur Tourbe (Nord-Ouest de Sainte Ménéhould) en proie aux flammes. Elle est accueillie par une très vive canonnade, tirée par l’artillerie lourde, canonnade de plus en plus vive sur le village et sur le pont, l’empêchant de progresser pendant plusieurs heures.
Profitant de la nuit, les bataillons franchissent la Tourbe vers 19 heures, et reçoivent l’ordre de poursuivre en avant. Mais dans l’obscurité et dans la forêt, les 3 bataillons du 2ème colonial se perdent. Ils sont retrouvés vers 23 heures et ramenés à Ville Sur Tourbe.

Le 15 septembre, les attaques sont reprises à 5 heures du matin. La 1ère brigade doit reprendre sa marche sur Cernay en Dormois, et le 2ème régiment reprend l’attaque de la ferme de Touanges.
Mais bientôt le bataillon de tête est obligé de suivre rigoureusement la lisière de la forêt, arrêté par les tirs d’une batterie allemande. Beaucoup d’hommes tombent. Le moindre mouvement, même de petits groupes, est immédiatement le signal d’une salve très précise. Les unités du 2ème RIC ne progressent pas.

L’ordre de maintenir la position coûte que coûte est donné et des compagnies sont envoyées au sud-est du bois avec mission de répondre à une attaque qui semble menacer Ville-sur-Tourbe. En attendant les renforts, les troupes bivouaquent dans le bois, sous une pluie battante, sans vivres, au milieu des cris des blessés. Vers 19 heures, l’artillerie française augmente la gravité de la situation en bombardant fortement la lisière est du bois de Ville, où des patrouilles allemandes avaient été signalées.
Pendant la nuit, la 1ère brigade reçoit l’ordre d’aller se reconstituer à l’est de Berzieux. Près de 2000 hommes de la 1ère brigade auront laissé la vie à Ville sur Tourbe, ce 15 septembre 1914, parmi lesquels François Mauguen, de Kergoat.

Le frère de René, Jean Marchalot, soldat au 318e RI, est tué à Moulin-sous-Touvent (Oise) le 27 septembre 1914.

A partir d’octobre 1914 s’installe une guerre de tranchées. Les troupes ennemies se font face, parfois séparées d’à peine plus de 100 mètres. Le 2ème colonial est au nord de Châlons en Champagne. Il alterne les périodes en ligne au cours desquelles il effectue des travaux d’aménagement et de renforcement de tranchées tout en subissant, ou en menant des attaques sur les lignes ennemies, et des périodes courtes où il est en réserve. Les hommes sont privés de sommeil et mal nourris.

Le régiment se déplace dans l’Argonne. Du 14 novembre au 26 décembre, il est dans le secteur du bois de la Gruerie, et alterne comme précédemment les périodes en ligne et en cantonnement. Des bataillons du 2ème colonial interviennent en renfort du 91e, du 147e et du 87e régiments d’infanterie et effectuent des travaux de terrassement et de fortification pour faire face à l’ennemi toujours très actif.

Le régiment est relevé le 26 décembre, et passe en réserve du 2ème corps d’armée à Chaudefontaine près de Sainte-Ménéhould dans la Marne.

D’après les mémoires rédigées par son fils Jean, c’est en cette fin d’année que René peut bénéficier d’une permission pour assister au baptême de son fils nouveau-né. « René repartit le mercredi dans l’après-midi prendre le train de quatre heures en gare de Quéménéven, une musette bien garnie au côté. (…) L’année tirait à sa fin »

Gare de Quéménéven. Coll. Mairie de Quéménéven

Gare de Quéménéven. Coll. Mairie de Quéménéven

Vers la fin juillet 1915, Marie-Jeanne fut prévenue que son mari avait été grièvement blessé. En réalité, il avait été tué le 14 juillet 1915 lors de l’attaque du Bois Baurain dans l’Argonne.

Circonstances de son décès

De janvier à juillet 1915, le 2e colonial occupe différents secteurs de l’Argonne, alternant, comme précédemment, périodes en ligne et en cantonnement.

Dans l’Argonne, début juillet, des travaux sont entrepris côté français pour restructurer les tranchées, rééquiper les armées et des renforts viennent soutenir le moral des troupes.

Le 13 juillet, les Allemands attaquent par l’Argonne orientale afin de perturber la réorganisation des troupes françaises. Le 2e colonial est à l’aile gauche de la 5e D.I.C., son flanc couvert par l’artillerie du 15e C.A. Le régiment se prépare à contre attaquer dans le secteur de bois Baurain (1,2 kms au nord-est de Vienne le Château).

source : JMO de la 15e Division d'infanterie coloniale

source : JMO de la 15e Division d’infanterie coloniale

Le 14 juillet, à 4 heures du matin, les bataillons d’assaut du 2e R.I.C. sont à leurs postes. L’attaque a lieu avec deux bataillons en première ligne et un bataillon en soutien composé notamment de la 7ème compagnie à laquelle appartient René.
L’objectif est « de prendre pied le plus rapidement possible dans la première ligne allemande et, si possible,dans la deuxième ligne, de s’y installer, de s’y organiser, de s’y relier avec l’arrière, de se garantir contre toute contre-attaque ennemie, puis de procéder à un nouveau bond en avant ».

À l’heure prescrite (8 heures), les troupes de la première vague s’élancent à l’assaut des positions ennemies, suivies à courte distance par celles de la deuxième vague. Bien qu’elles soient accueillies par des tirs de barrage, puis par des feux de mitrailleuses, au prix de nombreuses pertes, elles franchissent les défenses de la première ligne allemande, puis la deuxième et atteignent la troisième ligne. Certaines portions intactes permettent aux défenseurs de résister et en certains points de contre-attaquer forçant un groupe à reculer, isolant d’autres unités.

Au cours de cet assaut, René est tué d’une balle dans la poitrine comme il est précisé dans l’avis de décès retranscrit à Quéménéven.

Après son décès

René Marchalot est inhumé dans l’ossuaire de la Gruerie, situé dans le bois du même nom, sur la commune de Vienne-le-Château dans la Marne. L’ossuaire a été spécialement construit pour recueillir les corps de 10 000 soldats inconnus relevés dans le Bois de La Gruerie.

ossuaire de Vienne-le-Chateau (photo A.Girod)

René Marchalot s’est vu décerné la croix de guerre avec étoile de bronze (citation à l’ordre de la brigade ou du régiment), et la médaille militaire.

Coll. G. Dehem

Coll. G. Dehem

Une famille éprouvée

René Marchalot avait deux frères cadets qui seront eux aussi tués pendant le conflit : Jean du 318e RI disparaît en septembre 1914 à Moulin-sous-Touvent dans l’Oise, Jacques, du 6e RIC, en septembre 1916 dans la Somme.

 Jean_MarchalotRene_MarchalotJacques_Marchalot


Sources

Registres d’état-civil de Quéménéven

Fiche matricule, AD du Finistère (1R-1309 – 1903)

Site Mémoire des Hommes : Base des Morts pour la France, Historique du 2e RIC, JMO de la 1ère BIC 

“Marjanik En Ty Gwen” publié par Jean Marchalot en 1987

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8 réponses

  1. Cloarec Alain dit :

    Bonjour,
    Je vous félicite pour la très grande qualité du texte relatif à la biographie de René Marchalot (1883-1915), soldat au 2ème régiment d’infanterie coloniale, mort pour la France le 14 juillet 1915..
    Je suis président de l’association « Mémoire de Saint Pierre ». Cette ancienne commune a été rattachée à la ville de Brest en 1945. Notre association a entrepris de rédiger les biographies des 320 militaires, domiciliés à Saint Pierre Quilbignon, morts pour la France, durant la première guerre mondiale. Certains soldats étaient au 2ème RIC, et l’un d’entre eux, Alexandre Le Guen, né le 11 septembre 1877, à Brest, matricule n° 419, au recrutement de Brest, soldat de 2ème classe, a aussi été tué le 14 juillet 1915 lors de l’attaque au Bois Baurain, près de Tourbe, département de la Marne.
    Je sollicite votre concours pour que vous m’indiquiez comment vous avez obtenu l’information sur le lieu de sépulture de René Marchalot. Cette information ne figure par sur le site « Mémoire des hommes ».
    Si vous me répondez par mail, je vous transmettrai, en réponse,les renseignements que j’ai rassemblés concernant Alexandre Le Guen.
    Avec mes remerciements anticipés, je vous présente mes salutations cordiales.
    Alain

  2. yveline le grand dit :

    J’ai eu connaissance du lieu d’inhumation de René Marchalot par sa petite-fille qui m’a aussi communiqué les photos de son grand-père.
    Voici l’adresse d’un site sur lequel des bénévoles ont relevé les noms des soldats sur les monuments aux morts et inhumés dans les nécropoles nationales. C’est ainsi que j’ai retrouvé plusieurs lieux de sépultures des 88 militaires, de Quéménéven, morts pour la France :
    Voici l’adresse d’un site sur lequel des bénévoles ont relevé les noms des soldats sur les monuments aux morts et inhumés dans les nécropoles nationales. C’est ainsi que j’ai retrouvé plusieurs lieux de sépultures des 88 militaires, de Quéménéven, morts pour la France : http://www.memorial-genweb.org/~memorial2/html/fr/index.php

  3. Un grand merci à Yveline le Grand pour cette évocation de mon grand-père René Marchalot et de ses frères morts pour la France et nos libertés.
    Cordialement,
    Georges Marchalot

  4. LE GARREC AM dit :

    Bonjour,
    Je relève actuellement tous les MPLF de la guerre 1914-1918 pour la commune de Languidic (Morbihan) et j’ai également plusieurs victimes du 2è R.I.C. En fait je cherche à situer le Bois BAURAIN et sur la carte de Vienne Le Château il y a deux possibilités : le bois Parent au nord-est du village et Le Bois Varin qui se trouve à l’horizontale de Servon. Il y a donc lieu de penser que le nom du bois a été déformé compte-tenu des difficultés de recueil de prononciation.
    En tout cas, très beau site très émouvant, nos ancêtres méritaient bien des actions comme la vôtre.
    Merci encore
    Anne Marie Le Garrec

  5. cornen michel dit :

    Bonjour, je suis à la recherche de la sépulture d’un membre de ma famille décédé le 14/07/1915 à Bois Baurin, il s’agit de CORNEN Edouard, Joseph Marie, Matricule 25566 Classe 1896 Brest faisant partie du 2ème régiment d’infanterie Colonial. Je ne sais pas si il a été inhumé avec ses camardes de combats dans une nécropole de la Marne. Je vous remercie pour les renseignements que vous m’apportez. Ceux que j’ai eu on été obtenu sur le site Mémoire des Hommes
    Bonnes fêtes de fain d’année
    Michel CORNEN

  6. yveline le grand dit :

    Bonjour,

    Vous avez peut-être déjà trouvé réponse à votre question car j’ai un peu tardé à vous répondre. Mais au cas où, le site Mémoire des Hommes propose une rubrique Sépulture de guerre, dans laquelle se trouve la fiche d’Edouard Cornen, inhumé dans la Nécropole Nationale ‘LA HARAZEE’ à Vienne Le Château dans une tombe individuelle. Voici le lien vers cette fiche : http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/arkotheque/client/mdh/sepultures_guerre/detail_fiche.php?ref=2128524&debut=0
    Bonnes recherches, et bonnes fêtes de fin d’année.
    Bien cordialement
    Yveline

  7. le mignan dit :

    bonjour à vous: mon grand père le MOING Salomon né en juillet 1878 à ETEL 56, inscrit maritime a été incorporé à la 10ème cie du 2ème régiment d’infanterie coloniale en février 1915. il participe aux combats jusqu’à la fin de 1917.II sera incorporé à la cie des ballons captifs de saint Nazaire jusqu’à la fin de la guerre et sera démobilisé en décembre 1918. je ne l’ai pas connu de son vivant, j’ai fait quelques recherches concernant son parcours dans la grande guerre, pour le devoir de la mémoire.
    Amicalement P LE MIGNAN